« Je ne suis ni perverse, ni citoyenne de second rang »

Article : « Je ne suis ni perverse, ni citoyenne de second rang »
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14 décembre 2012

« Je ne suis ni perverse, ni citoyenne de second rang »

Mélanie n’a pafemmes en couples attendu le projet de loi sur le mariage pour tous pour se construire une vie lui ressemblant. De son « coming-out », à ses voyages en Belgique pour bénéficier de la PMA, en passant par un projet de mariage à Auffargis (78) et les conséquences de sa disparition, elle raconte tout. Portrait d’une militante de tous les jours.

Elle porte le nom d’un bandit de légende et vit comme une hors-la-loi. Pourtant Mélanie B. n’a commis aucun crime ni même aucun délit. Cette Directrice de communication de 40 ans a choisi de fonder une famille avec Laurette, sa compagne, et d’avoir des enfants peu importe si la loi française lui permet ou non de bénéficier d’une assistance à la procréation.

Le cas de Mélanie c’est aussi l’histoire de beaucoup de femmes. Parce que, pour l’heure, la procréation médicalement assistée (PMA) n’est pas autorisée aux couples de lesbiennes, elles sont nombreuses à se rendre en Belgique pour en bénéficier. On appelle d’ailleurs les enfants nés selon ce procédé les « bébés Thalys », en référence à la ligne de train à grande vitesse entre Paris et Bruxelles. Jules est l’un d’entre eux. Depuis ses 6 mois il a appris qu’il avait une maman et une « mamoune ». « C’est la graine d’un gentil monsieur qui est venu nous aider », ont-elles expliqué à l’enfant dès qu’il était en âge.

Mélanie c’est la maman. Sa trajectoire personnelle est surprenante. Née en 1972, elle effectue toute sa scolarité au sein de l’institution catholique Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus à Rambouillet. Cette brune distinguée porte des lunettes, un ventre arrondi par une nouvelle grossesse et se définit elle-même comme « quelqu’un de droite, sympathisante UMP…enfin plutôt RPR. » Mélanie B. grandit en effet dans une famille gaulliste, chiraquienne, où la politique a toujours eu une certaine importance. Logiquement elle prend sa carte au RPR en 1991. « J’ai même été présidente de l’UNI (ndlr. organisation étudiante de droite) durant une année », explique-t-elle amusée, même si elle s’empresse de rajouter qu’elle n’en est pas fière.

Surtout aujourd’hui. Selon elle sa famille politique l’a trahie, « quand j’entends ce que j’entends… Je ne peux pas, je ne cautionne pas. » La future maman énumère : François Fillon, Nadine Morano, Jean-François Copé, « pas un n’est favorable au mariage pour tous ! J’ai l’impression qu’entre Nadine Morano et Marine Le Pen, la frontière est bien floue. » Mélanie ne comprend pas non plus l’acharnement d’une masse catholique qu’elle a pourtant côtoyée dans son enfance. « Leurs propos me renvoient une image de moi très insultante. Comme si j’étais une perverse, une citoyenne de second rang, une égoïste. » Elle décrit l’ambiance autour du débat sur le mariage pour tous comme « électrique ».

Très curieuse, inscrite sur tous les réseaux sociaux possibles et imaginables, la “Dir’com” parcourt chaque jour les comptes de Christine Boutin, Frigide Barjot ou encore de l’organisation Civitas. Hors de question de laisser passer un commentaire désobligeant sur les homosexuels sans réagir. Mélanie est plus vigilante que jamais. C’est peut-être lié à son nouveau statut de mère ou bien à ses hormones de femme enceinte, en tous les cas elle concède en avoir « marre de (se) faire insulter tous les jours. (Sa) carapace s’effrite un peu plus à chaque nouvel article ou à tout nouveau commentaire dégradant sur Twitter. »

“Si cela pouvait représenter un petit acte militant dans cette ville réputée conservatrice, j’en serais ravie”

Mélanie ne milite pas. Elle ne fait partie d’aucune association. Elle prévoit pourtant d’aller manifester pour l’égalité le 16 décembre prochain à Paris et a répondu « présente » à l’invitation de l’inter-LGBT.  Un comble pour celle qui, jeune étudiante, portait serre-tête, collier de perles, carré Hermès, chemisier et mocassins. A l’UNI, les étudiants sont contre toute forme de grève ou manifestation. Aujourd’hui tout est différent. Mélanie découvre avec inquiétude qu’elle fait partie d’une minorité. « Etre homosexuel en France c’est comme être Noir ou Arabe. Nous sommes tous stigmatisés », constate-t-elle amèrement. « Je ne suis pas activiste mais je ne vais pas rester les bras croisés ! »

Elle ne restera pas non plus inerte si le projet de loi sur le mariage pour tous est adopté. « Si on nous donne la possibilité de nous marier, je me marierai », s’exclame-t-elle. D’ailleurs elle souhaiterait célébrer son union avec Laurette là où elle a grandi, à Auffargis, dans les Yvelines. En fait l’idée la fait sourire. « Si cela pouvait représenter un petit acte militant dans cette ville réputée conservatrice, et dans laquelle réside Christine Boutin, j’en serais ravie. » Preuve que Mélanie n’est pas dépourvue de la moindre dose de militantisme. Quelque part, ça a toujours été son mode de vie. Depuis le jour où elle a réalisé, à 26 ans, qu’elle était homosexuelle. « Mon fiancé m’a dit que j’étais une lesbienne refoulée. Il m’a sauvé la vie. » De là ça a été le flash. La future mariée a quitté son compagnon une semaine après et s’est installée avec une fille. La libération. « Je me suis épanouie à partir de ce moment là », déclare-t-elle avec nostalgie. Du jour au lendemain Mélanie s’est coupé les cheveux très court, a enfilé un pantalon de cuir, des santiags et un débardeur. Les foulards et les perles ont été remisés au placard. La jeune femme est sortie de sa chrysalide. Le poids de la tradition familiale, l’admiration du couple formé par ses parents, tout s’est effondré. Il lui a fallu cette transition brutale pour entrer dans une nouvelle vie, construire son couple, sa famille et réintégrer un style plus « passe-partout ».

Son seul souci, à présent, est d’être exemplaire au regard de l’éducation de son fils et de sa fille à naître. « On veut que nos enfants soient irréprochables car dans le cas contraire on pourrait leur reprocher d’avoir été élevés par deux femmes », explique Mélanie, alors qu’une ride d’inquiétude est venue altérer son visage. « Ma compagne n’a aucun droit, poursuit-elle, elle n’a que des devoirs : bien éduquer son beau-fils. Elle n’a aucune autorité parentale au regard de la loi. » Mélanie envisage même le pire. Elle dit y être obligée depuis la naissance de Jules car la loi ne le protège pas. « Si je meurs demain, ce sont mes parents qui auront la garde de nos enfants. Mais j’ai de la chance car mes parents sont d’accord pour confier la tutelle à Laurette. » La future maman reste rêveuse et songe à une réalité qui rejoindrait le papier. Une loi sur le mariage pour tous qui protégerait ces familles un peu spéciales ou tout simplement différentes.

Aurélie M’Bida

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