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Elles réclament, aussi, un droit à l’enfant pour tous

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La future loi sur le mariage pour tous en France marque la réalisation d’une promesse de campagne du candidat Hollande. « Les Enfants d’Arc en ciel – l’asso ! » reçoit en majorité des couples lesbiens pour les accompagner dans leur projet parental. Elle s’inquiète du décalage entre les engagements de la loi  d’une part, et le statut et la considération de la mère homosexuelle d’autre part.

« Nous ne sommes pas que des baby-sitters ! », s’écrit Nathalie Mestre, présidente de l’association LGBT « les Enfant d’Arc en ciel ». Le projet de loi sur le mariage pour tous semble loin de régler les problématiques qu’elle rencontre chaque jour.  Lors des auditions participatives avec la ministre de la Justice en septembre dernier, cette professeure des écoles a martelé les revendications de son association. Le ton est donné, les couples de lesbiennes (comme les couples gays) veulent l’égalité au regard de la filiation.

Elle faisait partie des 60 engagements de François Hollande. Le 26 janvier dernier, le futur président de la République a promis un « droit au mariage pour les couples homosexuels. » Le 10 octobre 2012, le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a annoncé que le texte serait examiné en Conseil des ministres entre fin octobre et début novembre,   « mais ne concernera ni la procréation médicalement assistée ni l’adoption conjointe. »

Une avancée encore bien limitée pour les couples homosexuels

Nathalie Mestre ne veut même pas entendre parler « cette adoption là ». Pour elle, ce projet de loi ne résout rien puisque « les couples homosexuels vont se retrouver dans une obligation de se marier pour avoir droit à adopter. On enferme le droit à l’enfant dans le mariage. »

D’après les rumeurs, le texte serait actuellement en relecture au Conseil d’Etat et il ne serait pourtant pas question d’adoption. Pour Me Alain Devers, maître de conférence, membre du Centre de droit de la famille à l’Université Lyon 3, « une promesse présidentielle est un choix politique. Le mariage entre deux personnes du même sexe est une question de société qui pourra être acceptée avec le temps mais la filiation… » Selon cet avocat du barreau de Lyon, « le projet de loi sur le mariage pour tous ne concerne que le couple. Les questions d’enfants sont exclues. » Un pavé dans la mare alors que Christiane Taubira – porteuse du projet de loi – avait annoncé dans les colonnes de la Croix, le 11 septembre dernier, que les couples de même sexe pourront, comme les couples hétérosexuels, « adopter de façon individuelle ou conjointe (de façon simple ou plénière) ».

Même si déjà, la Garde des Sceaux avait, à cette même occasion, exclut expressément la PMA du « périmètre de la loi », l’adoption, elle, restait toujours dans le débat.

La PMA : une question de femme au regard du droit à l’enfant

Les associations LGBT comme « les Enfants d’Arc-en-ciel » attendent bien plus qu’une loi a minima. Adoption ou pas adoption, Nathalie Mestre ne semble pas être au courant. Elle se cramponne à l’idée que le projet de loi, tel qu’elle en a eu connaissance n’est pas satisfaisant en matière de filiation. Elle accuse la France de s’être déjà délié de ses engagements légaux pour les parents hétérosexuels ayant recours à la PMA. Selon elle, lors d’un recours aux gamètes issus de dons, personne n’a jamais demandé au parent stérile d’adopter l’enfant fruit de ce mode de procréation assistée. « C’est la différence avec le couple homosexuel, quelle inégalité ! Dans un couple de personnes de même sexe, l’autre parent doit aujourd’hui faire une demande de délégation parentale, pour se voir reconnu comme tel, et demain (avec ce projet de loi) effectuer une demande d’adoption. »

Mais à réclamer l’égalité parfaite, les associations LGBT ne se heurtent-elles pas à des limites juridiques ? En effet, le procédé de procréation médicalement assisté est aujourd’hui envisagée comme remède à la stérilité du couple, et non pas comme la réponse au désir d’enfant. Accorder aux couples homosexuels, précisément aux couples de lesbiennes qui seules peuvent porter un enfant, un droit à la PMA reviendrait à généraliser un procédé réservé à une minorité de couples en difficulté pour avoir un enfant. « Nous voulons ouvrir la PMA à toutes les femmes de France », déclare Nathalie Mestre. Ce vœu se retrouve pourtant confronter à des objections.

Jean-Christophe Lagarde s’est exprimé en faveur du mariage et de l’adoption pour les homosexuels mais contre la procréation médicalement assistée auprès de 20minutes.fr. Pour le député (UDI) de Seine-Saint-Denis, « le mariage et l’adoption c’est le code civil, la PMA, c’est le code de la santé. Par cet amendement, les députés socialistes transforment la PMA qui est un acte médical, en un acte social, un acte de confort. »

Mais Me Devers rappelle, comme pour l’exemple de la loi sur le PACS en 1999, que « le même texte peut aborder les divers aspects (couple et enfant). En l’occurrence une modification du code civil avec les dispositions sur le mariage et, les dispositions relais, dans le code de la santé publique avec les dispositions sur la PMA. » En définitive, l’insertion dans la loi sur le mariage pour tous d’un droit à l’enfant pour tous est bien possible, mais dans ce cas « ce serait une véritable révolution », conclut Alain Devers.

Aurélie M’Bida


Washington, La Mecque des Américains

(Aurélie M’Bida/DR.)

Passage obligé pour les collégiens des quatre coins du pays, pèlerinage familial durant les vacances scolaires ou virée lors du weekend de l’Independance Day, les monuments et musées de Washington voient affluer en permanence des touristes modèles, des Américains en quête de culture et d’histoire, ciment de leur nation.

Trônant sur un monticule à l’est de la ville, rivalisant de grandeur avec le Lincoln Memorial situé à l’autre bout du Mall, ce quartier du centre-ville de Washington autour duquel les musées nationaux et la Maison-Blanche ont élu domicile, le Capitole accueille ce matin-là ses fournées de visiteurs. Il est 10h 15, une centaine de personnes ayant réservé le créneau est réunie dans un amphithéâtre aux allures de salle de cinéma. Sans tarder, les lumières s’éteignent. Les haut-parleurs entonnent un récit épique à l’appui d’un film sur la construction de la nation américaine. Tout a commencé par l’érection du Capitole en 1793, dix-sept ans après l’indépendance des Etats-Unis.

Dans la salle, des couples, des familles avec des ados, quelques personnes âgées, mais surtout un vrai melting pot de couleurs et de faciès. Tous parlent plus ou moins bien anglais. A l’accent on comprend qu’ils vivent dans le pays. Quelque part, cette assemblée de visiteurs correspond à l’image qu’on se fait de l’Amérique : une population bigarrée aux origines multiples composant un seul et même peuple métis et polyglotte.

10h 45, fin de la projection. La session est divisée en cinq groupes. Equipé d’un casque et d’un appareil de transmission « Guide-U » vert fluo, chacun suit son guide respectif pour la suite de la visite gratuite. Des dizaines de questions plus tard, midi arrive, le tour est terminé. Tout le monde semble ravi. Un couple de seniors latino-américains sort un plan de la ville, prochain arrêt : bibliothèque du Congrès, où sont conservés des trésors vieux de plus de trois siècles.

Ara Carbonneau est fille d’immigrés Québécois. Cette ancienne prof d’histoire officie depuis quatre ans en tant que guide au Capitole. Entre trois gorgées d’eau pour « s’éclaircir la voix avant le prochain groupe », elle explique comment une nation aussi disparate que la nation américaine est si soudée autour d’une histoire commune, ou qui l’est devenue. « Le Capitole leur appartient, c’est la représentation du pouvoir du peuple. Tout le monde sait ça dans le pays », commence la guide avant d’avancer le chiffre de 2,5 millions de visiteurs par an rien que pour la coupole, comme on l’appelle ici.

La citoyenneté américaine avant tout

« Les élèves de 13/14 ans doivent venir à Washington. C’est une obligation du programme d’histoire à la fin du collège », poursuit-elle. Mais au-delà du simple voyage scolaire, les élèves américains sont très tôt enveloppés par leur drapeau. C’est le Star-Spangled Banner à l’aplomb de chaque établissement scolaire, ce sont les chants à la gloire des pères fondateurs de la nation, les phrases sortes de maximes érigées en vérité qui sont disséminées de partout dans l’environnement des jeunes américains : à l’école, mais aussi à la télévision, à la radio, au cinéma, sur le packaging de certains produits alimentaires, le billet vert et bien plus encore.

Ils sont originaires du Kansas, de l’Ohio, de l’Etat de New York, sont Africains, Asiatiques ou Moyen-orientaux, ils ont la nationalité américaine depuis toujours, depuis dix ans ou depuis un mois, « ils ont tous en commun d’être Américains », conclut Ara Carbonneau. Pour éloigner toute velléité angélique de son propos, elle ajoute «  C’est face au reste du monde qu’on a le sentiment d’être une nation unie. Entre nous, nous pouvons nous déchirer. Mais en venant à Washington on prend conscience que le pays s’est construit par le rêve commun d’immigrés de se fédérer en Amérique ! » L’écho de la devise nationale « E Pluribus unum », qui soude les Etats-Unis, ne semble pas prêt d’arrêter de résonner dans les vastes couloirs du Capitole.

Aurélie M’Bida